42km195 à pieds, ça use, ça use ...

 

 

Marathon du Mont Saint-Michel : aujourd'hui je me lance dans quelque chose d'ambitieux : raconter 14 semaines d'entraînement et 42 km de course. Si vous me lisez, je ne suis pas certain que ça vous donne envie de faire un marathon, mais on ne sait jamais.

J'ai essayé de faire la synthèse de l'expérience (petite)accumulée, ainsi que la synthèse des nombreux conseils que j'ai pu recevoir au cours de ces nombreuses semaines.

 

La préparation

 

Pour moi le marathon c'était MON objectif quand je se me suis mis à courir, il y a maintenant 2 ans et demi. Comme je suis plutôt du genre cérébral, et plutôt prudent, je m'étais fixé 3 ans pour courir un marathon : 1 an pour démarrer et faire des distances courtes, 1 an pour progresser avec des distances supérieures (21 km), et 1 an pour réaliser l'objectif final.

Quand on veut courir un 10 km ou même un 21 km, on peut pratiquement se lancer comme ça, on est sur d'arriver, il suffit de ne pas être regardant sur le temps. Mais quand on est raisonnable (et moi je le suis), un marathon ça se prépare sérieusement. Un marathon c'est une autre course, il ne suffit pas de vouloir, il faut se poser un minimum de questions avant même de commencer à le préparer.

La première question c'est : quel objectif ? Pour un débutant il est généralement admis que le 1er objectif est de terminer : ça parait trivial, mais comme on le verra ça ne l'est pas. Si on est plus ambitieux on peut se fixer un objectif de temps : 4h, 3h45,3h30, 3h15, ... Mais il ne suffit pas de le vouloir, cet objectif doit être en adéquation avec les capacités du coureur. L'idéal c'est d'avoir fait plusieurs courses, de connaître sa VMA et sa FCM. Tous ces paramètres peuvent donner une idée de ce qu'il est possible de réaliser. Quelques exemples trouvés dansla littérature :

  • On prend son meilleur temps sur 10 km, on multiplie par 2 et on ajoute 10mn : ça donne le temps cible pour un 21 km
  • On prend son meilleur temps sur semi, on multiplie par 2 et on ajoute 10mn : ça donne le temps cible pour un marathon
  • Un marathon peut être couru entre 74% et 80% de sa VMA
  • Un marathon ne doit pas être couru à plus de 85% de sa FCM

Pour mon cas : 45mn sur un 10km, 1h40mn sur semi, uneVMA à 16 km/h et une FCM à 185, ça me donnait les paramètres suivants :

  • Temps 10km et semi => 3h30 au mieux
  • VMA => entre 3h17 et 3h33
  • FCM => FC moyenne à 158 bpm

Après avoir beaucoup réfléchi, écouté ou non les conseils des uns et des autres, spécialistes ou non, je me suis décidé pour 3h35, que j'ai révisé en 3h30 au bout de quelques semaines, face à l'insistance de plusieurs qui me trouvaient timoré. Après tout les marathons on ne peut pas espérer en courir des dizaines, il faut savoir être un peu ambitieux.

 

La deuxième question c'est : comment atteindre cet objectif, donc quel plan d'entraînement appliquer pour atteindre l'objectif ? La encore, la littérature est abondante sur le sujet, ce qui ne facilite pas les choses. Je me suis rapidement décidé à utiliser un plan que j'ai trouvé sur le site conseils-courseapied.com . J'aime bien les plans que je trouve sur ce site, je les comprends bien maintenant et les applique sans difficulté. Je recommande d'ailleurs la lecture des articles sur ce site, c'est très instructif pour comprendre les fondamentaux de la course à pieds. Le plan choisi n'indiquait pas un objectif mais était réalisé en fonction de la VMA et de la FCM. Le plan était de 4 séances par semaine, pendant 14 semaines. Ambitieux à l'image de l'objectif.

 

3 février 2010 : 1ère séance de la 1ère semaine du plan, début d'1 série de 55 entraînements qui doit m'amener à la 56ème séance qui sera le marathon du Mont Saint-Michel, le 9 mai 2010. Que dire du plan lui-même ? Je ne vais pas m'étaler dessus, il faut juste savoir que c'est long et pénible :

  • 7 séances de fractionné court les 5 premières semaines, ensuite 1 par semaine
  • 631 km en tout, en 59 heures(dont 49 heures en endurance)
  • 3 courses préparatoires dans le plan : le semi de Saint-Gilles, le15 km de Chateaubourg et les foulées de la Quasimodo, toujours à allure marathon pour tester l'allure
  • 5 séances sautées : 3 après Saint-Gilles (semaine difficile d'après course), 1 pendant ma semaine de vacances (semaine difficile à cause de l'apéro), 1 avant le marathon (pour s'éviter de la fatigue)
  • la séance la plus longue : 28km en 2h30
  • 5 kg de perdu sur les 14 semaines

Ce qui était intéressant c'était de voir les progrès réalisés au fur et à mesure de l'avancée du plan : gain de vitesse (de 0,5à 1 km/h à FC constante), baisse de la FCmoy, augmentation de l'endurance. Très motivant pour passer les instants de fatigue dus à l'intensité du plan.

 

5 mai 2010 : dernière séance du plan, je suis prêt pour le marathon.

 

Il faut tout essayer avant le jour J et faire les bons choix


Un des points importants, parmi tous les points importants, ce sont tous les choix à effectuer qui ont tous leur petite importance. Comment s’habiller le jour J ? Faut-il emmener de l’eau ou pas ? Comment s’alimenter avant et pendant ? Autant de choses qui peuvent avoir une petite ou une grande importance.

 

Pour le comment s’habiller j’avais opté pour les manchons de compression pour les mollets et les chaussettes anatomiques (repérées gauche/droite). Efficace ou pas ? Je ne sais pas. J’ai fait toutes mes sorties longues avec les manchons, sans ressentir de fatigue particulière. Mais je n’ai pas essayé sans. Et les chaussettes j’ai inversé les pieds je jour du marathon, donc je ne suis pas sur de l’efficacité : j’avais des ampoules sous chaque pieds.

 

Pour l’eau j’ai choisi de courir avec une gourde de 500 ml. Bon choix. J’ai bu à tous les ravitaillements (sauf le premier où il y avait de la bousculade), et il y avait de l’eau aussi aux stations d’épongeage. La gourde me permettait de boire en plus entre 2. Je n’ai jamais manqué d’eau. Je m’étais entraîné pour me forcer à boire tous les 2 km, c’était devenu naturel, je le faisais sans avoir à y penser.

 

Pour l’alimentation j’ai fait le choix du pack marathon (Malto, Gatosport, boisson d’attente, gels énergétiques). Je n’ai pas regretté ce choix. Je suis arrivé le jour du marathon avec le plein de glucide, j’ai entretenu en courant mon niveau de glucide, et je n’ai pas du tout eu de problème d’énergie, je n’ai jamais rencontré le mur.

 

Le point commun entre tous ces choses, c’est qu’il faut avoir tout essayé avant, pendant les entraînements pour être sur de soi le jour de la course. Par exemple, il n’est pas évident de boire en courant : sur un 10 km ça n’a pas d’importance, sur un marathon c’est fondamental.

 

La dernière semaine : repos et alimentation

 

La dernière semaine avant le marathon j’avais prévu de me reposer et de m’alimenter pour faire le maximum de réserve en vue de la course.

 

D’un point de vue entraînement j’avais encore 3 séances : 1h, 50mn et 40mn de footing à répartir dans la semaine. Je n’ai finalement fait que 2 séances : 55mn et 40mn, de toute façon les jeux étaient faits, une séance de plus ou de moins ne changeait rien, sauf pour la fatigue.

 

Le samedi, pas grand chose : pas de jardinage, pas de bricolage. Un petit tour à Irodouër pour soutenir les camarades du relais et prendre quelques photos.

 

D’un point de vue alimentation je m’étais un peu documenté aussi, j’avais trouvé un plan d’alimentation marathon sur le site du marathon de Nantes. De ce plan je n’ai retenu que les 3 derniers jours, le moment où on fait le plein de glycogène. Ces 3 jours ont compté parmi les plus difficiles de la préparation : se gaver de sucre sous toutes ses formes pendant 3 jours, ça n’est pas si facile qu’il y parait.

 

Menus du jeudi et vendredi :

  • Petit déjeuner : 3 fruits frais, 200 g de fruits secs, café, 150 g de pain, 125 ml de jus végétal
  • Collation matinée : 50 g de pain, 2 fruits frais, 100 g de fruits secs, ¾ l de Malto
  • Déjeuner : 500 g de légumes frais, 200 g de céréales, 50 g de pain, 150 g de poisson, huile d’olive, 125 ml de jus végétal
  • Collation après-midi : 50 g de pain, 2 fruits frais, 100 g de fruits secs, ¾ l de Malto
  • Dîner : 50 g de pain, 300 g de céréales, 300 g de légumes frais, huile d’olive, 125 ml de jus végétal

Avec tout ça j’avais le ventre gonflé toute la journée.

 

Le samedi j’ai supprimé les fibres (fruits et légumes) et j’ai ajouté des céréales (pates, riz) et des riz au lait en conservant le malto.

 

Le petit déjeuner du dimanche était simple : un café et la moitié d’un Gatosport. Ca n’est pas bon mais ça passe plus facilement qu’un petit déjeuner traditionnel.

 

Du côté de l'alimentation, je pense que j’étais plutôt bien préparé. Pas de coup de barre pendant la course, pas de mur du 35ème km, pas de maux de ventre.

 

Enfin le jour J (ou plutôt le jour M)

 

Après 3 mois et demi de préparation, c'est enfin le jour attendu. Levé à 5h00, déjeuner avec Gatosport et café, passages fréquents aux toilettes.

 

J'ai préparé mon maillot avec mon dossard la veille, j'ai le numéro 1371.

 

Départ de la maison à 6h25, le rendez-vous est à 6h30. C'est Philippe qui nous emmêne Alain, Arnaud et moi. L'ambiance est bonne, on partage des histoires de course pendant que Alain met des miettes de Gatosport plein la voiture et que moi je bois consciensieusement ma boisson d'attente.

 

Ca bouchonne en arrivant à Cancale et on est un peu à la bourre quand on se gare.

Tout le monde se met en tenue, surtout Arnaud qui est vraiment un amateur : il n'a pas préparé son dossard et l'accroche dans le dos de son maillot. Le dernier choix à effectuer c'est quel maillot : avec ou sans manche ? A l'issue d'une décision collégiale on opte tous pour le sans manche : bon choix, la tempêrature va monter en fin de matinée.

 

Toutes les affaires sont emballées dans le sac poubelle, et en route. On rejoint l'église pour déposer les affaires qu'on retrouvera au Mont (si tout va bien).

 

Au niveau de la consigne, on retrouve l'équipe au complet, il ne manque que Thierry. Tout le monde est motivé et à bloc. Echange de derniers conseils et on rejoint la ligne de départ au petit trot, il est 8h20 et on est à la bourre. On aura fait en tout au moins 3mn17s d'échauffement.

 

Chacun prend sa place dans le troupeau, je me place entre les 2 meneurs d'allure 3h30, je suis toujours décidé à tenir les 12 km/h. Il est 8h25, tout le stress vient de tomber d'un coup, je suis prêt.

La course

8h30, le coup de pistolet qui donne le départ, les premières foulées, il ne reste plus qu’à courir pendant 42 km.

 

Ce fut très dur, je ne m'attendais pas à ça. On m'avait parlé du mur du 35ème, je ne l'ai pas vu, je m'étais bien alimenté. Par contre ce que j'ai vu c'est l'accumulation de fatigue qui vient petit à petit, km après km, et contre laquelle il n'y a rien à faire. Au bout d’un certain temps il y a une bascule qui se produit : le début de la course se fait avec les jambes, la fin de la course se fait avec la tête.

 

J'étais parti sur l'idée de faire 3h30, donc un 5mn/km pour arrondir. Je m'étais mis dans l'idée de suivre le meneur d'allure 3h30 jusqu'au bout, mais il est parti trop vite pour moi : alors que j'étais réellement à 5mn/km, eux ils étaient plutôt à 4mn50/km. Je les ai laissé partir devant, ils ont toujours gardé au moins 500m d'avance.

 

Au niveau de la FC j'étais trop haut dès le début : 160 au lieu de 155. Je n'ai pas ralenti en me disant qu'au bout de quelques km ça allait baisser, mais non. Je finis à 164 en moyenne, et à 178 au max. Sur les 6/7 derniers km, je suis plutôt à 170.

 

 

Sinon au niveau de l’allure. J’ai suivi mon plan de route jusqu’au km 25 :

  • km 12 : 59mn56s, tout va bien, ma famille est là pour m'encourager.

La course

9 mai, 8h30, le coup de pistolet qui donne le départ, les premières foulées. Tout le stress vient de tomber d’un coup, je suis enfin dedans, il ne reste plus qu’à courir pendant 42 km.

  • km 15 : 1h14mn55s, tout va bien
  • km 20 : 1h39mn57s, tout va bien, la famille d'Alain est là pour m'encourager, ça fait du bien de voir des têtes connues
  • km 28 : 2h20mn10s, ça va un peu moins bien. A nouveau ma famille.

Jusque là les choses étaient faciles : fatigue raisonnable tout en maintenant l’allure)

Dans les km qui suivent, je prends inexorablement quelques secondes de plus par km (km 33 en 2h45mn35s), et par la suite c’est plutôt 15 à 20 s de plus par km jusqu’à la fin. Les cuisses sont devenues progressivement lourdes et la FC a augmenté.

 

Marc nous attendait au km 34 pour prendre quelques photos. Il m’a un peu surpris, j’étais déjà perdu dans un autre monde, très concentré sur la fin de la course.

J'ai doublé Patrice vers le 35ème : j'ai failli m'arrêter, ça m'a mis un coup au moral. Mais j'ai continué. Le seul arrêt que j'ai fait, c'est au ravitaillement du 38ème, après le pont de Beauvoir : 3 grandes gorgées, 20s d'arrêt et j'ai eu du mal à repartir.

 

Les 4 derniers km ont été les plus longs que j'ai jamais courus. Le Mont avait beau se rapprocher, les km comptaient double. Le dernier en particulier : j'ai du regarder ma montre toutes les 30s.

Les derniers 1195 m : 6mn26s pour les franchir (je dis bien franchir, car c’était un vrai obstacle), soit une allure encore au dessus de 11 km/h (j’allais tellement vite que sur la photo ci-dessous on ne voit que mon dossard).

Et puis enfin l'arrivée : 3h34mn34s, la délivrance au sens de fin de la souffrance.

Fred et Thierry qui venaient juste d'arriver, les 10mn de récupération qu'il ma fallu avant de me remettre à marcher (j'avais même du mal à parler).

Après ça n'est plus que du bonheur. On se retrouve à 4 (Alain, Fred, Arnaud et moi) pour échanger et refaire la course. Une petite photo pour immortaliser l'instant, car comme le disait Rousseau : "C'est au pied du Mont, qu'on le voit le mieux... le Mont!".

La fin, c'était comme d'habitude. De nombreuses histoires de course, des explications, ... Les voitures étant un peu loin, le retour a été un peu long, Fred et moi on avait tendance à se déplacer comme des canards, les jambes très raides. L'excellente nouvelle était qu'on avait des sandwichs et de la bière pour cloturer la fête.

Et pour finir, mon diplôme du marathon, si durement gagné.

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Commentaires: 4
  • #1

    Loïc (vendredi, 21 mai 2010 08:54)

    Depuis le temps que j'attendais ce récit... Merci Vincent. Et je te le redis encore une fois: tu peux être très fier de toi. 3H35 pour un premier marathon, j'aurais signé toute de suite il y a quelques années!
    Continue à lire Rousseau, il s'y connait en course à pied!

  • #2

    Alain (vendredi, 21 mai 2010 22:13)

    Bel article, quelle pugnacité, tant en course que dans l'écriture. en effet tu peux être fier de toi, moi je suis fier de toi! un cycle de 3 ans s'achève, et de quelle manière! Comment se dessine le prochain cycle? sûrement savamment pensé étudié, lu et compris...bonne récup!

  • #3

    HG (lundi, 24 mai 2010 08:41)

    Merci pour tes conseils, moi qui termine mon 3ème Mont, je me rends compte que je me connais beaucoup moi que toi, pour le prochain, c'est sur, j'essaierai de comprendre le plan!! Par contre, j'ai bien vu que tu n'avais pas de plan pour l'après marathon, t'as commencé le dimanche qui suit par du n'importe quoi!!
    Allez bonne récup et encore Bravo pour ton chrono

  • #4

    Alex (mardi, 25 mai 2010 21:52)

    Encore félicitations.
    Pour l'après marathon, y a surement un programme de récupération alcoolisée dans les bons plans et éventuellement de la pelouse à tondre. Une autre épreuve !