Courir avec sa tête



Quelques bases théoriques de la course à pied, sport d’endurance


« Tout ce qu’on n’a pas besoin de savoir pour courir mais qui peut être utile pour courir plus vite et plus longtemps »

Avertissement : ce petit article comporte surement des inexactitudes et des approximations. Son but est avant tout de présenter de façon simple et accessible les principes de base.


Il y a des tas de raisons pour lesquelles on en vient à courir, chacun à les siennes (garder la forme, perdre du poids, arrêter de fumer, suivre un copain, …). Courir est avant tout une activité de plaisir, il ne faut jamais oublier cette dimension, et de toute façon si le plaisir de courir disparaît, on s’arrête de courir. Mais bien souvent on en vient à se prendre au jeu, faire des courses, et bien évidemment avec l’envie de s’améliorer et de faire les meilleurs possibles. Et pour s’améliorer il faut en passer par une préparation structurée, le fameux plan d’entraînement. Mais avant de se lancer sur un plan d’entraînement, et pour un maximum d’efficacité, il faut à mon avis comprendre les comment et les pourquoi du plan d’entraînement, et qu’est-ce qui se cache derrière les différentes séances que l’on trouve dans un plan.


Alors cette présentation se propose de vous donner une approche théorique simplifiée de la course à pied, les bases théoriques, et débouche sur une approche pratique pour préparer des courses. La présentation part des points les plus théoriques et finit par les points les plus pratiques


Dans un premier temps on s’attache à donner quelques notions sur la physiologie de la course d’endurance. Ensuite on en déduit les paramètres importants que doit connaitre le coureur à pied. Ces paramètres sont utilisés dans une 3ème partie pour définir les bases de l’entrainement à travers des séances types. Et pour finir on s’attachera à montrer comment articuler tout cela pour permettre de préparer une course au mieux pour le coureur.

 

1. Physiologie



Le principe de physiologie de l’activité physique s’oriente sur le fait que la performance athlétique est largement déterminée par la capacité individuelle à produire de l’énergie.


Pour que le mouvement soit possible il faut que l’organisme produise de l’énergie, à partir des aliments ingérés, sous une forme utilisable par les muscles.


Il y a 3 filières énergétiques différentes dans l’organisme :

1.1. La filière aérobie

Cette filière produit de l’énergie en dégradant le glycogène présent dans les muscles et en utilisant de l’oxygène pour cela. Elle permet aussi de produire de l’énergie à partir de la graisse, mais avec moins d’efficacité.

C’est la filière la plus efficace : grande quantité d’énergie, pas de production de déchet (seulement H2O et CO2), mais avec un délai de production initiale de plusieurs minutes. Elle a cependant les limites suivantes :

  • Les réserves de glycogènes présents dans l’organisme => limite la durée de l’effort, mais plusieurs heures quand même
  • La quantité maximale d’oxygène qui peut être consommée par l'organisme => limite la production d’énergie et donc la vitesse
  • Il faut beaucoup de temps pour reconstituer les réserves de glycogène (24 à 72 heures)

C’est la filière énergétique des sports d’endurance, elle permet de courir plusieurs heures

1.2. La filière anaérobie lactique

Cette filière produit de l’énergie à partir du glycogène stocké dans les muscles mais sans oxygène. Il y a production de déchets (acide lactique) qui s’accumulent dans les muscles. C’est la limite de cette filière : quand il y a trop d’acide lactique dans les muscles.

Cette filière énergétique est celle des courses de demi-fond (400, 800, 1500m), avec une durée de course comprise entre 1 et 3’. La durée de récupération est de l’ordre de 1h30.

1.3. La filière anaérobie alactique

Cette filière utilise une source d’énergie présente en très petite quantité dans les muscles, elle permet de soutenir un effort très élevé sur une durée très courte (7 à 20 secondes).

C’est la filière énergétique des sports de vitesse (100, 200m). La durée de récupération est de l’ordre de 6 à 8 minutes.


Pour les sports d’endurance (au delà de quelques km de course) on va bien entendu privilégier la filière aérobie, même si les autres filières sont en partie utilisées.


2. Les paramètres de l'entrainement


Chaque coureur a des capacités propres qui sont liés à son physique, capacités qu’il a plus ou moins développées dans sa jeunesse par la pratique du sport. On peut parler de potentiel du coureur. Ce potentiel du coureur va servir à déterminer ses possibilités, ce qu’il est capable au mieux de faire avec un entrainement adéquat. Ce potentiel fixe aussi la limite maximale de ses possibilités.


2.1. Paramètres


Les capacités du coureur peuvent se définir à travers 3 paramètres qui sont les suivants :

  • VO2max

C’est la quantité maximale d’oxygène qu’un coureur peut mobiliser par unité de temps. Au-delà de cette limite l’organisme ne peut plus fournir assez d’oxygène pour la fourniture d’énergie, il plafonne. Ce paramètre définit donc la quantité maximale d’énergie que peut produire l’organisme par unité de temps, et participe donc à la définition de la vitesse maximum que peut soutenir un coureur. Il s’exprime généralement en ml/min/kg.


  • VMA(Vitesse Maximale Aérobie)

C’est la vitesse à laquelle le coureur atteint sa consommation maximale d’oxygène (VO2max). Au-delà de cette limite la consommation d’oxygène reste constante (on a atteint le max) et on rentre dans la filière anaérobie.


  • FCM (Fréquence Cardiaque Maximale)

C’est la fréquence maximale à laquelle le cœur du coureur peut battre. On peut considérer qu’elle est atteinte quand le coureur soutient sa VMA sur plusieurs minutes. C’est un paramètre fixe pour chaque coureur, et qui décroit avec l’age (1 bpm par an)


2.2. Quel est le lien entre ces différents paramètres ?


Plus le coureur augmente sa vitesse de course, plus il doit produire d’énergie pour activer les muscles et donc plus il a besoin d’oxygène pour produire cette énergie. L’oxygène est transporté vers les muscles (lieu de production de l’énergie) par les globules rouges présents dans le sang. Le nombre des globules rouges est fixe (ou varie peu), et donc la quantité d’oxygène pouvant être transportée par litre de sang est fixe. Donc pour transporter plus d’oxygène par unité de temps, la solution pour l’organisme consiste à augmenter la vitesse à laquelle tourne le sang et donc à augmenter la fréquence de la pompe, c'est-à-dire le cœur : c’est pour cela que quand l’effort augmente le rythme du cœur augmente.

Comme tout dispositif physique le cœur a une limite, il ne peut pas battre au-delà de la FCM. Quand la FCM est atteinte, le volume maximum d’oxygène pouvant être transporté dans le sang est atteint, la VO2max est atteinte. C’est aussi à ce moment que le coureur atteint sa VMA. Pour courir plus vite il passe en filière anaérobie, mais sans consommation supplémentaire d’oxygène.


Note 1 – La dérive cardiaque
On constate au cours du temps, à allure constante, que le cœur bat de plus en plus vite (jusqu’à 10 bpm de plus), c’est ce qu’on appelle la dérive cardiaque. L’explication serait que au court du temps le coureur perd de l’eau par la transpiration ce qui diminue le volume sanguin. Pour continuer à transporter le même volume d’oxygène le cœur doit donc battre plus vite.


Note 2 – Augmenter le volume d’oxygène transporté par le sang

Pour augmenter le volume d’oxygène transporté par litre de sang, on peut augmenter le taux de globule rouge par litre de sang. Il y a l’approche naturelle, par des séjours en altitude, où la raréfaction de l’oxygène provoque une augmentation du nombre de globules rouges. Cette approche prend du temps, plusieurs semaines en altitude. Il y a l’approche dopage : injection de globules rouges qui avaient été préalablement prélevé sur l’organisme, ou utilisation de substances comme l’EPO.

On peut aussi augmenter le volume de la pompe (le cœur) qui à chaque battement propulsera plus de sang. C’est fait par l’entrainement en endurance fondamentale qui muscle le cœur.


2.3. Comment déterminer les paramètres du coureur ?


Les deux paramètres qui vont nous intéresser pour la suite sont la VMA et la FCM. Pour déterminer la VMA il existe de nombreux protocoles plus ou moins compliqués à réaliser, certains ne pouvant se faire qu’en laboratoire. Les plus simples à mettre en œuvre sont les suivants :


A. Demi-cooper

On considère qu’un coureur peut tenir sa VMA sur une durée de 4 à 8 mn en fonction de son niveau. Le demi-Cooper consiste à faire courir le courir le plus vite possible pour lui pendant 6mn : la distance parcourue permet de calculer la vitesse.

L’avantage du test est sa simplicité de mise en œuvre, il suffit d’avoir un endroit où on saura mesurer la distance, ou une montre type GPS pour mesurer la distance.

L’inconvénient est qu’il faut avoir une idée de sa VMA avant le test, pour ne pas partir trop vite ni trop lentement.


B. VAMEVAL

Ce test consiste à faire courir de plus en plus vite, mais progressivement, le coureur. Quand le coureur s’arrête de courir c’est qu’il a atteint sa VMA.

Le test démarre avec un palier à 8 km/h pendant 2 mn. Ensuite la vitesse augmente de 0,5 km/h toutes les minutes, jusqu'à ce que le coureur ne puisse plus courir.

Le test est mis en œuvre sur une piste d’athlétisme : des plots sont disposés tous les 20m. Pendant l’épreuve un coup de sifflet est donné régulièrement, et à chaque coup de sifflet le coureur doit passer devant un plot. La fréquence des coups de sifflet augmente toutes les minutes. Quand le coureur s’arrête on note le temps, et on en déduit le palier et donc la vitesse atteinte.

C’est un bon compromis entre facilité de mise en œuvre et fiabilité (précision à 0,125 km/h).


3. Méthodologie de l'entrainement


Dans cette partie on aborde l’entrainement du coureur en vue de faire des courses, quel que soit la distance et les objectifs de performances visés sur les courses.


L’entrainement a pour objectif de développer deux capacités différentes chez le coureur :

  • Son endurance, c'est-à-dire sa capacité à courir longtemps
  • Sa capacité aérobie, c'est-à-dire sa capacité à courir plus vite en restant en endurance.

Avec la combinaison des deux le coureur va pouvoir courir plus vite et plus longtemps.


Pour cela il existe plusieurs types de séances qui vont cibler les capacités à développer. Les séances de travail doivent toujours commencer par 20 à 30 mn d'échauffement afin de préparer l'organisme à l'effort, et doivent se conclure par 10mn de retour au calme (allure footing) pour l'assimilation de la séance. 


4.1. Endurance fondamentale


On distingue deux types de sortie différente

  • Le footing qui est utilisé pour la récupération après des séances difficiles. Sa durée est généralement comprise entre 30 mn et 1 heure.
  • Sortie longue qui est utilisé pour apprendre à l‘organisme à faire des efforts longs. La durée de ces séances peut varier entre 1h15 et 3h en fonction du type de course préparée.

Ces sorties se font à une allure située entre 60% et 65% de la VMA, ou entre 70% et 75% de la FCM. Une autre façon de se donner une idée de l'allure : l'allure de footing est une allure à laquelle on peut discuter mais pas chanter. C'est tout l'intérêt de faire ces séances en groupe, on va naturellement moins vite, et le temps passe plus vite.


L'erreur la plus fréquente des coureurs qui débutent est de courir à une allure trop rapide quand ils doivent privilégier l'endurance.


Un des effets bénéfiques de ces sorties c’est de muscler le cœur qui va gagner en efficacité, et battre moins vite pour un effort équivalent.


4.2. Séance dite VMA


Ces séances sont utiles pour augmenter sa VO2max, pour courir plus vite. Le principe de ces séances consiste à courir très vite (entre 90% et 105% de la VMA) sur des fractions (distance, temps) courtes (100m à 500m) avec de la récupération entre chaque fraction (on parle de séance fractionnée).

Exemple de séance :

  • 2x10x30s-30s avec 3mn entre chaque série, 100% VMA
  • 2x10x200m avec durée récupération inférieure à temps de course, 105% VMA
  • 2x5x400m à 95% VMA

Sur ce type de séance on se rapproche de la FCM, il est même possible théoriquement de l’atteindre.


4.3. Séance à allure spécifique


L’allure spécifique c’est l’allure (la vitesse) que l’on vise pour une distance donnée. On parle d’AS10, AS21, AS42. Il y a deux objectifs différents  pour ces séances :

  • Maîtriser l’allure de course pour la reproduire sans problème le jour de la course, faire en sorte que l’organisme mémorise cette allure.
  • Apprendre à l’organisme à être économe en énergie à cette allure, et pouvoir la soutenir le plus longtemps possible.


4.4. Autres séances

 

Il existe d’autres types de séance possible, on peut noter par exemple

  • Séances de côtes - Ces séances sont avant tout destinées à faire du travail de musculation des jambes et du travail de placement de pied dans le but d'améliorer la foulée.
  • Séances de PPG (Préparation Physique Générale) / PPS (Préparation Physique Spécifique) - C’est de la musculation spécifique à la course à pied
  • Fartlek - c’est une séance ludique, qui se fait en groupe, et qui consiste à courir à la sensation, à l’allure proposé par un des coureurs, en fonction du terrain.

 

 

 

5. Le plan d'entrainement

 

Un plan d’entrainement est une combinaison de ces séances sur plusieurs semaines, à raison de plusieurs séances par semaine, en vue d’amener le coureur à son pic de forme le jour de la course. Un plan d’entrainement est défini de façon individuel en fonction de plusieurs éléments :

  • Le type de course cible : 10 km, semi-marathon, marathon, trail, …
  • Le potentiel du coureur : sa VMA et l’objectif qu’il veut se fixer sur la course.
    10 km : 85-90% de VMA
    semi-marathon : 80-85% VMA
    marathon : 75-80% VMA
  • Le temps dont il dispose pour l'entrainement : nombre de séances par semaine, durée des séances

 

Un plan standard est articulé en plusieurs phases, 3 phases pour un coureur déjà entraîné :

  • Une phase de développement général

Dans cette phase on développe la VMA, l’endurance fondamentale et on fait un travail de renforcement musculaire. On va donc retrouver des séances de VMA courte, des séances d’endurance fondamentale pour la récupération et le développement de l’endurance, et des séances de PPG/PPS.
Cette phase peut durer par exemple 4 semaines, avec 3 semaines d’effort et une 4ème semaine de récupération, semaine plus allégée.

 

 

  • Une phase de travail spécifique

Cette phase vise à rendre le coureur plus efficace pour l’allure visée le jour de la course. Dans cette phase on entretenir l’endurance fondamentale, entretenir la VMA et habituer l’organisme à l’allure spécifique de la course visée. On va donc retrouver des séances d’endurance fondamentale, des séances de VMA et des séances à allure spécifique. Le principe est d’augmenter la charge de travail de façon régulière en augmentant progressivement les km parcourus.

 

 

  • Une phase de relâchement

Cette phase n’est pas forcément nécessaire, elle dépend du type de course visée. On va la retrouver essentiellement sur les préparations de trail ou de marathon. Pour des courses plus courtes elle se limitera à la dernière semaine avant la course. Son objectif est de permettre au coureur de récupérer des efforts consentis pendant le plan, pour être le plus en forme possible le jour de la course. Cette phase comporte un nombre de séances réduit, et des séances plus courtes, essentiellement de l’endurance fondamentale et de la VMA courte.



Quelques exemples de plan d'entrainement sont disponibles ici. Par ailleurs il est possible de trouver des plans dans les journaux spécialisés ou sur des sites web. L'idéal est que le plan soit spécifiquement fait pour le coureur (capacités et objectifs), sinon il faut dans la mesure du possible adapter les vitesses pour refléter la VMA.




Cette présentation est une vulgarisation rapide des concepts qui sous-tendent la pratique de la course à pied, plutôt pour de la compétition.


Il est important pour le coureur qui veut progresser de comprendre ce qui est mis en jeux quand il court, ça l’aidera à faire au mieux les séances qui lui permettront de s’améliorer.

Il n’est pas nécessaire pour le coureur du dimanche, le jogger, de connaitre et pratiquer tout cela. Il y a quand même un intérêt pour lui, c’est de comprendre ce qui se passe en lui quand il coure, et de comprendre enfin pourquoi il vaut mieux courir doucement, sans effort.


Mais pour finir il est important de garder en tête que courir c’est avant tout une source de bien-être et de plaisir : alors oublions tout cela le temps d’un footing, et concentrons nous sur le bienfait qu’on peut ressentir quand on coure.


Vincent.

Écrire commentaire

Commentaires: 2
  • #1

    Anne-Marie (samedi, 01 novembre 2014 18:25)

    Merci Vincent, points 3,4 et 5 très clairs. Je conseille aux nouveaux des les lire.

  • #2

    Véronique (mercredi, 10 décembre 2014 16:05)

    Comprendre ce que l'on ressent physiquement, expérimenter et mesurer le résultat, etc. Et se rappeler en dernier ressort que c'est avant tout pour le plaisir... Intéressante cette approche! Je suis presque motivée :)