Le Grand Trail des Templiers

Voilà, c’est fini… c’est déjà fini! Depuis 1 an maintenant, cette course, non cette aventure occupait nos esprits. Comme d’habitude, tout est parti d’une discussion entre potes: “et si on se faisait les Templiers l’année prochaine? - Bah oui, pourquoi pas?” Depuis des années, je rêvais de faire ce trail… Pourquoi? Parce qu’il fait partie de l’histoire de notre sport, comme le Tour de France pour les cyclistes, Roland Garros pour les tennismen ou comme la fête de la bière à Munich pour les Gobions!

A travers ce récit, je souhaite donc garder une trace de cette aventure. Même si les moments vécus et surtout partager avec de vrais amis, resteront à jamais graver dans ma mémoire, je veux pouvoir m’y replonger et donner envie au plus grand nombre de vivre de tels moments, et en premier lieu à mes enfants: je veux leur donner l’envie d’aller au bout de leurs rêves, leur donner le goût de l’aventure, du dépassement de soi et peut-être aussi qu’ils soient un peu fiers de leur papa… comme moi je suis fier de mes parents et de toutes les valeurs qu’ils m’ont transmises.

 

J’aurai pu raconter ma course dans le détail en parlant des montées et des descentes, des kilomètres qui défilent, des temps de passage aux ravitaillements… mais plus le temps passe, plus je m’aperçois que je ne courre plus après tout ça. De plus, extraire la course de son contexte, c’est à dire tout ce week-end partagé avec de vrais amis n’aurait pas de sens, car c’est avant tout une aventure humaine que nous avons vécu. Je vais donc tenter de décrire cette aventure en la détaillant par grands thèmes, essentiellement basés sur toutes les émotions que j’ai pu ressentir. Il n’y aura donc pas de chronologie… ou plutôt de “chronopathie” mais plutôt des paragraphes que chacun pourra lire dans l’ordre qu’il souhaitera. Bonne lecture…

 

 

La déception

 

Et oui, je commence par la déception, car c’est bel et bien un sentiment que j’ai éprouvé, non pas en franchissant la ligne d’arrivée, mais en voyant ma place au classement général: 1399 sur 2051… vraiment pas terrible! Alors oui, je suis un peu déçu, car même si avant le départ, je disais que mon seul objectif était de finir, j’espérais quand même au fond de moi finir un peu mieux. Je m’étais fixé comme objectif de finir en moins de 12 heures. Résultat: 13h21! Ça fait long. Mais je ne souhaite pas m’éterniser sur ce sentiment, car cela semble bien dérisoire en comparaison de toutes les émotions que j’ai pu ressentir!

 

L’impatience

 

Quand ce projet a germé dans nos têtes il y a 1 an, nous nous disions que nous avions le temps pour nous préparer, d'enchaîner les trails pour nous aguerrir… surtout moi, qui n’avait pratiquement aucune expérience des trails, et encore moins des longues heures d’effort. Je n’étais jamais allé au delà de 42,195km et très rarement au delà de 3h30. J’ai donc très souvent vécu l’impatience: j’ai d’abord été très impatient d’arriver au jour J… mais quel bonheur d’y être! J’ai ensuite été impatient de terminer ma course, au risque de passer à côtés des paysages magnifiques qui s’offraient à nous. Ainsi, j’aurai voulu franchir la ligne d’arrivée avant la tombée de la nuit, et j’étais tellement omnibullé par cette échéance que je n’ai pas profité du coucher du soleil qui s’offrait à moi sur le plateau du Larzac: un vrai coucher de soleil d’automne. J’étais à 3 ou 4 km de l’arrivée, en pleine ascension de la Puncho d’Agast avec une seule obsession: en terminer! Pendant ce temps là, le soleil tirait sa révérence en nous inondant d’une rougeur flamboyante et sublimant le Viaduc de Millau, tel un vaisseau fantôme flottant sur un ciel en fusion… Quelle merveille!

Tellement impatient de finir, que je n’ai pas su profiter non plus de la traversée de la Grotte du hibou annonçant la dernière descente vers Millau: moment magique mais éphémère, où dans la pénombre, nous nous trouvions dans une cathédrale minérale éclairée par nos lampes frontales et quelques lanternes posées au sol et à la sortie de la Grotte, les lumières de Millau en contrebas: enfin le bout du tunnel!

 

Le doute

 

Le doute m’a accompagné du premier jour où je me suis lancé ce défi jusqu’au moment où j’ai franchi la ligne d’arrivée.

En effet, j’ai douté tous les jours pendant 1 an: serai-je capable de relever ce défi? Ma préparation est-elle bonne?

Combien de fois me suis-je réveillé en pleine nuit en me posant un milliard de questions? Combien de fois ai-je fait et refait ma check-list pour ne rien oublier dans mon camel-back? Combien de questions ai-je posé à Mike à l'entraînement? Lui, mon poto, mon frère de course, il a l’expérience des longues courses: il doit sûrement savoir ce qui nous attend. Ces mots, même si ils sont rares, sont toujours rassurant… même si je sais que lui aussi au fond, il doute.

Et j’ai douté jusqu’au bout. J’ai douté pendant la course, lorsqu’arrivé au ravitaillement du 32ème km, je me suis demandé si j’allais continuer.

 

Mike venait d’arriver quelques minutes avant moi à ce ravito et nous avons retrouvé notre “team”: Fabienne, Ronan et Gaëlle. C’était la deuxième fois que nous les voyions sur le parcours, et je savais aussi que c’était la dernière car ils partiraient ensuite rejoindre l’arrivée pour accueillir Jérôme et Fabrice qui termineraient plusieurs heures avant moi. Je savais aussi que Mike allait repartir devant moi et que je ne le reverrai plus avant l’arrivée. Alors j’ai douté, et j’ai pleuré… j’ai pleuré devant ma femme en lui disant que je ne savais pas si je serai capable de finir. Quel c…! Mais je suis quand même reparti et Ronan m’a accompagné pendant quelques mètres et ça m’a fait du bien… car bien sûr que j’allais essayer de finir!

J’ai même douté en franchissant la ligne d’arrivée: l’ai-je vraiment fait? En passant la ligne, j’ai eu besoin de me retourner pour m’assurer que j’étais bien passé sous l’arche: cette magnifique arche en bois, style ranch américain qui m’avait tant fait rêver sur les photos et les vidéos que j’avais regardées tout au long de ma préparation. Je me suis donc retourné pour l’admirer: pendant quelques secondes, elle était à moi, rien qu’à moi. De l’autre coté, plus de 13 heures de course et plus de 2400 km de prépa!

La peur

 

Comme le doute, la peur a été ma compagne pendant la course, surtout dans les derniers kilomètres. J’ai eu peur de ne pas être capable de finir. Cette peur m’a même coupé les jambes quand par exemple nous devions escalader l’avant-dernière montée… pas une montée, un mur! J’étais au 61ème km et face à moi des portions verticales: 500 mètres de dénivelé positif en 2 km, soit plus de 25% de moyenne. Et j’ai eu peur de tomber, ne plus être capable d’avancer. J’ai donc fait des pauses: 1 km en 28 minutes… interminables! J’ai eu peur du vide, le vide sous mes pieds, et le vide dans mon corps, dans ma tête. Mais je l’ai vaincue cette peur… même si le combat a été âpre: à peine 4 km en 01h20.

 

La Fatigue

 

J’aurai pu parler de la fatigue dans mes peurs… car cette fatigue sublime toutes les émotions. Cette fatigue s’est installée tranquillement tout au long de la journée, et elle fut longue cette journée: réveil à 03h00 pour avaler un “gatosport” fait maison par Gaëlle, puis départ de la course à 05h16 au son de Era. On l’avait écouté en boucle les jours derniers… mais que de frissons en entendant cette musique au moment du départ, et voir le sourire de mon pote Mike à côté de moi, ça n’a pas de prix!

Mais cette fatigue nous use à petit feu. Il faut faire avec… et on finit par la détester. Et je l’ai vraiment détestée à partir du 60ème kilomètre en quittant le village de Massebiau, car si j’étais fatigué à ce moment là, j’étais complètement épuisé 5 km plus loin au ravitaillement de la ferme du Cade… mais après plus de 500m de dénivelé positif. Restaient encore 7 km tout aussi difficiles: plus de forces, plus de courages, plus de voix. Qu’une seule idée en tête: mettre un pied devant l’autre -sans tomber- et terminer. Et on termine, épuisé, mais vivant… et peut-être même un peu plus vivant, ou au moins plus fort que 13 heures auparavant car on l’a fait!

 

L'émerveillement

 

Celui qui ressort de cette aventure sans avoir été émerveillé, doit être quelqu’un de drôlement blasé, et je ne voudrais pas être à sa place. Parce que nous, nous en avons pris plein les mirettes, et c’est sans complexe que je m’exprime également au nom de mes 6 compagnons. Nous avons été très impressionnés en arrivant dans cette “mecque” du trail par l’ampleur de l’organisation: des courses pour tout le monde durant tout le week-end, le tout dans des paysages majestueux!

La course nous a en effet permis de découvrir des sites remarquables. Nous avons d’abord découvert le Causse Noir à la lueur des frontales et ses belles forêts traversées par de larges sentiers. Nous sommes descendus dans les Gorges du Tarn bordées de falaises de part et d’autre. Ces paysages sont tellement merveilleux, qu’ils vous font oublier pourquoi vous êtes là: on s’arrête et on regarde… on admire ces amas rocheux, érigés comme des cathédrales, surplombant la Vallée de la Dourbie. Le chemin continue, les paysages changent et on remonte vers le plateau du Larzac et ses pâturages. Et on redescend dans les gorges de la Dourbie où on traverse de magnifiques villages, où résonnent l’âme des Templiers. Et on remonte sur les hauteurs de Millau et le Puncho d’Agast, où l’on retrouve la civilisation en contrebas. Même si je ne l’ai pas vécu comme ça sur le moment, j’ai quand même eu la chance de revenir sur Millau de nuit, et je garde en mémoire les images d’un spectacle féerique ou les lumières de la ville se partagent la vedette avec le viaduc.

Le bonheur

 

En franchissant la ligne d’arrivée, j’aurai voulu exploser de de joie… mais je n’y arrivais pas, ou je n’y arrivais plus: j’étais arrivé au bout, et surtout au bout de moi-même. Et j’ai craqué: une vraie fontaine. Je ne savais plus vraiment pourquoi je pleurais, mais j’en avais besoin. Et mes potes, mes amis, mes frères de course et ma femme adorée sont venus me récupérer et j’ai ressenti un immense bonheur en les retrouvant. Ils m’avaient attendu, certains depuis plusieurs heures… et ils étaient aux petits soins pour moi. Et je me suis rendu compte que je venais de trouver ce que j’étais venu chercher: le bonheur de partager cette aventure. La course n’était finalement que la cerise sur le gâteau.

En effet, même si pour certains d’entre nous, les liens d’amitié sont très forts depuis longtemps, pour d’autres il a fallu s’intégrer à notre petite tribu. C’est le cas notamment de Jérôme, qui s’est associé à notre expédition par hasard en répondant à une annonce que Mike avait déposé car il nous restait une place dans le carrosse et une place dans le château. Il faut bien admettre que nous étions un peu inquiets de faire entrer un inconnu dans notre bande… De plus nous avions eu la curiosité de regarder ses résultats, et nous nous sommes aperçu que c’était un “cador”! Mais que vient-il faire avec nous??? Mais fidèles aux valeurs des Gobions: solidarité, convivialité, goût de l’effort, respect, nous l’avons associé aux préparatifs de notre aventure. Et fort du partage de ces valeurs, nous nous sommes faits un ami, un vrai: celui avec qui on peut partager les bons moments, les fous rires, les bières, mais aussi celui avec qui on partage les doutes, les peurs, les moments difficiles… et surtout nous avons partagé tous ensemble notre passion pour la course à pied!

Alors oui, si je ne devais retenir qu’une seule chose de ce week-end, ce serait les liens d’amitié et la solidarité qui nous ont permis, chacun à notre niveau, de décrocher notre Graal, si chers aux Templiers!

 

Comme un orchestre philharmonique, ou plutôt une joyeuse fanfare, chacun d’entre nous a joué parfaitement sa partition. Je ne pouvais donc pas terminer ce récit sans remercier chacun de mes compagnons:

- Jérôme, pour avoir su s’intégrer si facilement à notre fanfare, et pour avoir partager les mêmes désagréments que moi du côté gauche. N’oublie pas la crême anti-échauffement la prochaine fois!

- Fabrice, pour ta sagesse et ta bonne humeur. Par contre, promis, la prochaine fois, on loue un véhicule avec boîte auto: ça t’évitera peut-être de caler à chaque démarrage.

- Ronan, pour ta sérénité et la justesse de tes paroles. N’oublie pas de raconter tes nuits avec S(u)perman!

- Fabienne, pour tes gaffes, ton sèche-cheveux et ta spontanéité. Et toi, n’oublie plus ton portable!

- Mike, pour ton humour, toutes les heures partagées à s'entraîner, à m’écouter, et à sourire (de temps en temps). Au fait, n’oublie pas de coudre une poche pour le portable sur ton caleçon S(u)perman.

- Gaëlle, ma petite femme adorée, pour supporter mon quotidien, pour tous les petits plats que tu nous a préparés, pour nous avoir accompagnés, encouragés et en oubliant la frustration de ne pas avoir couru. Merci, merci, MERCI!!!!!

 

Loïc

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Commentaires: 14
  • #1

    chéruel véro (jeudi, 07 novembre 2013 07:45)

    bravo mec ! je pleure de bon matin... ça contredit le dicton des mauvaises langues qui dit que si on a des jambes on n'a pas de tête ni de coeur..

  • #2

    mike (jeudi, 07 novembre 2013 09:35)

    Sébonsa !!!

  • #3

    Fabienne (jeudi, 07 novembre 2013 11:24)

    Snifff...!

  • #4

    Muriel (jeudi, 07 novembre 2013 12:09)

    Que d’émotion Bravo !!!! et encore Bravo !!!!!!!!!!!

  • #5

    Virginie Saint Gilles (jeudi, 07 novembre 2013 13:42)

    Tu me fais "chialer" Loic ....
    Merci pour ce récit magnifique et émouvant, c'est un vrai bonheur de te lire!
    Pour ma part je ferais le 30 kms des Gobions le 1 décembre, de nouveau Guerlédan en 2014 et du coup.... grâce ou à cause de toi... peut être les Templiers ...
    Biz à toi et tous les Gobions !
    A bientôt
    Virginie

  • #6

    martial (jeudi, 07 novembre 2013 16:19)

    bravo coach t un sacré (p'tit)bonhomme et encore merci pour tout

  • #7

    Arnaud (jeudi, 07 novembre 2013 20:02)

    Que c’est beau … !!! C’est pour vivre des moments comme cela que les gobions courent en bande. Il y a ceux de devant, ceux du milieu et ceux de derrière mais tous aussi méritants les uns que les autres. Un grand BRAVO à vous toutes et tous pour vos courses Mention spéciale à Loïc pour ce magnifique récit … Ça donne envie …

  • #8

    Loïc (jeudi, 07 novembre 2013 20:25)

    Il y a d'autres récits à venir!!! Ne rangez pas les mouchoirs. Mon récit a peut-être donné envie à certain(e)s de vivre une telle aventure... mais pour les indécis, les autre récits vont définitivement vous convaincre. Réservez votre week-end du 24 au 26 octobre 2014!

  • #9

    Karen (vendredi, 08 novembre 2013 09:17)

    Âmes sensibles préparer vos mouchoirs!!!!
    Merci pour ce très beau récit.
    SNIF,SNIF,SNIF.

  • #10

    PATOCHE (samedi, 09 novembre 2013 18:45)


    merci pour ce recit il prouve bien le bonheur que nous avons a courir tous ensembles et le partage qui pour moi est essentiel je suis tres emu a la lecture et tente par une telle experience qui sait merci a vous et respect

  • #11

    Cathy (lundi, 11 novembre 2013 11:35)

    Merci Loïc d'avoir pris le temps de nous écrire ce récit, nous faire partager ta formidable aventure avec cette extraordinaire équipe ! Bravo à vous tous!

  • #12

    Alain (mardi, 12 novembre 2013 07:58)

    Excellent! Snlf aussi...petit poulet est devenu grosses cuisses et c'est peu dire! Champion!!!

  • #13

    patrice (mardi, 12 novembre 2013 12:47)

    merci d avoir fait partager un moment de votre aventure

  • #14

    Alex (mercredi, 13 novembre 2013 19:40)

    Félicitations pour cet exploit sportif et ce talent d'écriture. Pour ta prochaine course, peut être plus qu'un bon plan d'entrainement auprès de Mike, cherche un éditeur ! Bonne récup.